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Comme l’architecture, partie à la conquête du ciel par l’entremise des gratte-ciel, les arts plastiques aujourd’hui repoussent les limites de l’espace et des dimensions. Ce phénomène touche la majorité des artistes dans tous les pays. Il résulte entre autres d’une mutation de la perception de l’espace : perspectives ouvertes depuis l’introduction de la transparence du verre dans les habitations modernes, conquête de l’espace interplanétaire, irruption de l’espace virtuel du Web…

En France, cet art colossal dans ses proportions va de pair et est renforcé par l’apparition d’importantes commandes d’Etat, directement auprès des artistes, sans sujet imposé. Dans la continuité de l’action d’André Malraux, Jack Lang en 1981 met en place une politique ayant pour objectif de rendre l’art accessible à tous les citoyens. Le Fonds national d’Art Contemporain, collection de l’Etat, est complété en 1982 par les structures des FRACs, ou Fonds Régionaux d’Art Contemporain. Ceux-ci soutiennent la création artistique locale mais ont surtout vocation à y sensibiliser le public. En 1985 s’y adjoignent les centres d’art, lieux d’expérimentation et de production d’artistes contemporains. Émerge ainsi une véritable structure de collection d’Etat qui s’adresse aux artistes pour les exposer dans des espaces dédiés, en extérieur ou en intérieur dans des salles aux immenses proportions.


Les sculptures de Bernar Venet exposées à Versailles en 2011

Dans ce contexte, la modification du processus de création des artistes s’intensifie : l’espace est devenu un élément à part entière de l’intervention de l’artiste, une matière de travail. Le positionnement dans l’espace est l’objet même de la création. Il faut alors trouver des lieux pour protéger et montrer le produit de cette réflexion sur l’immensité.

L’artiste ne crée plus des œuvres pour un espace habité par des personnes. Il ne crée plus pour intégrer sa création dans une décoration d’intérieur, sur les murs d’amateurs ou de collectionneurs d’art. L’artiste crée en pensant à des endroits vides de meubles, faits pour être visités et arpentés. Et les œuvres prennent une ampleur et des dimensions étourdissantes. Georg Baselitz et ses toiles gigantesques ou Bernar Venet et ses sculptures monumentales en acier rouillé en sont de parfaits exemples.


Georg Baselitz et ses toiles par Kai von Rabenau, 2007

Le regard sur l’art des spectateurs de ce phénomène en est modifié. Nombre de visiteurs de musées, d’expositions ou de foires ne pensent même plus qu’il soit possible d’avoir de l’art chez soi. Tout d’abord, parce que les pièces immenses ne sont pas monnaie courante dans nos habitations et ensuite, parce que l’œuvre d’art n’est plus conçue pour rayonner dans un espace de vie quotidienne.

Mais au nom de quoi devrions-nous nous priver de la joie qu’apporte le tutoiement quotidien d’une ou de nombreuses œuvres d’art dans notre lieu de vie ? C’est pourquoi il est important de revisiter notre relation à l’art. Allons dans les musées pour profiter des œuvres de grande dimension, qui jouent avec l’espace, et intégrons des œuvres d’art à dimensions humaines chez nous pour enrichir notre quotidien. Admirer les œuvres d’art exposées dans les musées correspond à une démarche de partage collectif d’émotions. Mais compléter cette démarche par la possession d’œuvres d’art à titre personnel est essentiel.

En effet, au-delà de l’excellent investissement financier que représente l’art de qualité, avoir des œuvres d’art chez soi c’est à la fois un grand plaisir et une quête de sens. S’entourer d’art apporte une profonde satisfaction esthétique, un sentiment d’harmonie, de bien-être. Les œuvres d’art ont aussi un pouvoir d’évocation. On les acquiert parce qu’elles nous animent ou nous touchent. Elles traduisent souvent les aspects profonds de notre personnalité et le rapport que nous entretenons avec le monde qui nous entoure. Vivre avec elles au quotidien permet d’approfondir notre connaissance de nous-même et notre connexion avec nos émotions. Il ne reste plus qu’une chose à dire : Faisons rentrer l’art dans nos intérieurs !

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