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L’incendie

Ce ne sont que quelques mois, mais ils sont intenses. Du 18 mars au 28 mai 1871, la guerre civile fait rage à Paris et oppose les Communards, ces travailleurs parisiens opposés à l’armistice allemand d’un côté et les troupes Versaillaises menées par Thiers, le futur président de la IIIème République. Livrer Paris aux flammes ne pose que peu ou pas de cas de conscience à ces protagonistes. Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les «émeutiers» communards qui ont les premiers recours à l’arme du feu.

C’est Thiers qui donne l’ordre de tirer à boulets rouges sur la ville, afin d’effrayer les Communards par une manifestation de puissance et aussi pour couper leurs réseaux de communication. Le Champ de Mars et le Ministère des Finances connaissent les premiers incendies. Mais ensuite, c’est bien la Commune qui fait brûler Paris.

Pourquoi brûler Paris?

On peut déceler plusieurs raisons:

  • Miser sur une politique de la terre brûlée en utilisant des incendies retardateurs pour empêcher les troupes Versaillaises d’avancer. Ces feux, allumés en catastrophe au gré du déroulement des combats, sont mal et peu répertoriés.
  • Frapper les esprits en faisant disparaitre les symboles d’un pouvoir abhorré. Le palais des Tuileries, qui avait déjà été saccagé, est bourré de matières incendiaires afin que le feu soit immaitrisable. Tuileries, Palais Royal, Cour des Comptes mais aussi Grenier d’Abondance ou entrepôts de la Villette sont visés.
  • Se venger d’Haussmann et détruire ce Paris neuf qui a été construit contre la «populace», comme disait le Baron lui-même. Les grandes rues ouvertes sur ordre de Napoléon III avaient en effet un but sécuritaire avoué: détruire le lacis de ruelles anciennes si propice aux barricades, et donner à la troupe un espace facile pour charger une foule de manifestants.
  • Une raison d’ordre amoureux: détruire ce qu’on aime pour que, si on ne peut l’avoir, personne d’autre ne l’ait. Puisque la ville est perdue, autant qu’elle soit laissée en ruines et dévastée. Louise Michel aurait déclaré – si l’on peut toutefois croire un propos diffusé par ses opposants - que Paris ne serait à personne puisque la Commune allait le perdre. Les destructions sont pensées et organisées systématiquement: des bateaux chargés de pétrole furent incendiées sous la voute du canal saint-Martin.

Le souvenir photographique de l’incendie

Après la «semaine sanglante» du 21 au 28 mai 1871 qui concentre le gros des combats, les clichés de ruines envahissent les boutiques des photographes et des marchands de gravure.


« Ruins of Paris », gravure publiée dans The Illustrated London News, 24 juin 1871

Il n’y a pas de photographies de l’incendie car c’était impossible avec les appareils de l’époque. La nuit rougeoyante n’imprimait pas les plaques photographiques, les flammes dansaient trop rapidement devant l’objectif. Mais les photographies des ruines abondent dans chaque cabinet de photographe. De nouvelles boutiques ouvrent même pour les proposer aux curieux. Des albums luxueux sont édités. Ce sont les premières photos qui témoignent d’un moment d’Histoire, constituant le premier reportage photographique.


Incendie des Tuileries. Flaque. par Jacques Alexandre Ferrier
 

Pourquoi tant de photos ?

Certaines photos révèlent les sensibilités individuelles de leurs auteurs. A travers ces photographies transparaît le gout esthétique de certains auteurs pour le romantisme et ses nombreuses ruines. Les choix de cadrages montrent le raffinement des opérateurs et leur désir de rappeler les ruines antiques. Ils privilégient les décors à demi détruits, les restes d’intérieur témoignant du luxe détruit.


Les trois arches de l'entrée de le salle des fêtes de l'Hôtel de Ville de Paris par Jacques Alexandre Ferrier

De nombreuses photos sont quant à elles le produit de la propagande républicaine

  • Une propagande Versaillaise qui vise les émeutiers de la Commune. Elle a pour but de créer et d’entretenir un sentiment d’horreur vis-à-vis des émeutiers qui ravagent la ville de Paris. Il s’agit à travers ces photos de ruines de faire peur au Bourgeois pour qu’il vote en faveur de la République et qu’il oublie que Thiers est rentré avec les wagons de l’occupant allemand. De fait beaucoup des photographies publiées ont été prises sur commande officielle, par des photographes exerçant des fonctions proches du pouvoir.
  • La propagande cible aussi l’ennemi impérial. Certaines photographies ont pour but de rappeler que le prestige de l’Empire est voué à la ruine. Elles veulent démontrer que l’on assiste à la fin définitive du Second Empire, présenté comme l’Empire romain, qui ne peut renaitre de ses cendres et ne laisse que des ruines derrière lui. Les références à saint Augustin contemplant les ruines de Rome sont présentes.

A propagande, propagande et demi

Une des clientèle pour ces photos est celle de touristes (anglais par exemple) qui jouent à se faire peur. Ces photographies vont donc être "exportées hors de France dans une certaine mesure. Mais la clientèle étrangère se lasse vite, alors que les photographies continuent à être mises sur le marché. Concernant la diffusion des photos en France, la IIIème République allait apprendre, à travers cette expérience, que la propagande par photographies interposées peut être à double tranchant :

  • La lutte contre la perception positive de l’Empire est très efficace et l’effet des ruines a marqué les esprits des classe moyennes durablement, privant les bonapartistes d’une grande partie de leur clientèle
  • Mais les photographies ayant pour objectif de diaboliser les Communards n’ont pas eu l’effet escompté. Elles sont au contraire achetées par le peuple et utilisées comme des symboles élogieux de la mémoire de l’insurrection. Au point que dès la fin de 1871, leur vente est interdite par la République.

C'est par ici pour voir une Sélection de photos des incendies de la Commune

Sources:

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