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Déterminer la juste qualité picturale d’une œuvre en s’extrayant des effets de mode devient alors un exercice difficile. Au delà de la mode et des idées reçues, comment être libre dans ses choix et ses goûts artistiques ? Pouvoir décider en toute connaissance de cause de suivre la mode ou de s’en écarter? Le sujet est vaste, voir même tentaculaire. Il serait prétentieux autant qu’irréaliste de prétendre le traiter d’un seul jet. Nous vous proposons donc une mosaïque d’articles pour brosser les différentes facettes de ce sujet.

Episode 1 : L’évolution du goût artistique

Le gout artistique semble être un élément stable. On a du mal à imaginer que ce qui nous touche jusqu'à plus profond de l’âme a été rejeté comme laid il y a quelques décennies. Ce fut pourtant le sort de l’Impressionnisme à la fin du XIXème ou de l’Art Déco dans les années 50. Car le gout est évolutif par essence. Les critères de beauté de chaque époque sont inconscients : ils sont un « rapport au monde », une « manière de vivre » ou encore pour les sociologues, un système de préférences incorporé. Par conséquent, ces critères de beauté s’inscrivent dans une période historique, et sont influencés par l’évolution des mentalités d’une époque et d’un système social donné.

Ainsi, les fouilles de Pompéi à partir de 1763 amènent une rupture esthétique. En référence à ces découvertes archéologiques, le style néoclassique (ou « à l’antique ») commence à se constituer, en opposition au style baroque. Les références antiques fleurissent alors dans les sujets des tableaux : Pygmalion et Galatée, Alexandre ou encore Les dames romaines faisant don à la patrie de leurs bijoux et de leurs ornements (sic). La composition picturale évolue en plaçant la personne, l’individu au centre de l’œuvre.


Belisarius de François-André Vincent, source

L’adéquation d’un artiste au gout de son époque est donc essentielle pour déterminer s’il est « pionnier » ou « démodé », « rétro » ou « désuet ». Selon que sa création suit ou non les évolutions du gout, il sera reconnu ou dédaigné par ses contemporains. Mais après la mort de l’artiste, et les générations passant, son œuvre peut subitement se retrouver à nouveau au gout du jour.

L’œuvre d’un artiste comme Watteau (1684-1721) nous fournit un bon exemple. Rejetée sous Louis Philippe, elle est successivement adulée sous Napoléon III puis boudée sous la jeune IIIème République. Watteau est finalement porté au pinacle par des écrivains comme Drieu La Rochelle, les historiens d’art tout comme les décorateurs des années 50.

Plus récemment les œuvres de George Mathieu, caractéristiques de l’abstraction lyrique, sont à nouveau appréciées (valorisation significative de sa cote ces dernières années) alors qu’elles étaient méprisées dans les années 90 après avoir été encensées dans les années 70.


Georges Mathieu "Affiches Air France", 1967. source

Aujourd’hui, dans un contexte de mondialisation et de profusion d’images, on constate une accélération de l ‘évolution du gout. Enthousiasmes et rejets se succèdent de plus en plus vite, parfois même en l’espace de quelques années. Par ailleurs, un phénomène de difractation des gouts se dégage, marqué par l’émergence de multiples courants esthétiques. Il n'y a plus un unique courant reconnu par le plus grand nombre. Les divers courants esthétiques puisent à des sources aussi diverses que les différences ethniques, la culture urbaine, les mangas ou encore la publicité.

Ce phénomène favorise la pluralité de la création mais rend l’acquisition d’œuvres contemporaines d’autant plus ardue qu’il est très difficile de dire si leur valeur sera pérenne. Il importe donc de savoir suivre son gout tout en maitrisant les références et en éduquant son regard. Cela seul permet de discerner l’œuvre d’art de l’effet de mode.

Ce phénomène favorise la pluralité de la création mais rend l’acquisition d’œuvres contemporaines d’autant plus ardue qu’il est très difficile de dire si leur valeur sera pérenne. Il importe donc de savoir suivre son gout tout en maitrisant les références et en éduquant son regard. Cela seul permet de discerner l’œuvre d’art de l’effet de mode.

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